Les SCIC au service du développement local

Créées en 2001 par une loi, les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) ont attendu une dizaine d'années pour connaître une montée en puissance. On en compte à ce jour 536 en France, représentant quelque 3000 salariés. Coopérative un peu particulière, la SCIC associe au moins trois catégories de sociétaires : des salariés et/ou des producteurs (agriculteurs, artisans…), des bénéficiaires (clients, usagers…) et des partenaires (collectivités locales par exemple). Sa capacité à associer des parties prenantes d’un territoire ou d’un secteur en vue du développement d’une activité économique d’intérêt général en fait un outil de cohésion sociale et de développement local. Le reflux progressif des services de l’État conjugué à la cession des missions de services publics aux collectivités poussent les acteurs des territoires à répondre à des besoins, si bien que la SCIC pourrait devenir un des outils incontournables de l’intérêt général.

Plan de l’article :

  • Définition réglementaire
  • Financements et santé financière
  • Intérêt des SCIC
  • Focus : SCIC et collectivités
  • Quelques exemples de SCIC : agriculture, économie, énergie, habitat, mobilité...
  • Bibliographie indicative

Définition réglementaire

Le texte de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 contient, dans son article 36, une modification de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, inscrivant ainsi le statut de "société coopérative d'intérêt collectif" et indiquant les articles définissant la SCIC.

La SCIC en bref :

  • Est une société coopérative constituée sous forme de sociétés anonymes ou de sociétés à responsabilité limitée à capital variable régies par le code de commerce.
  • Est une entreprise à gestion désintéressée (réinvestissement dans l'activité des excédents).
  • A pour objet la production ou la fourniture de biens ou de services d'intérêt collectif qui présentent un caractère d'utilité sociale. La SCIC peut concerner tous les secteurs d'activités, dès lors que l'intérêt collectif se justifie par un projet de territoire ou de filière d'activité.
  • Comprend au moins trois catégories d'associés (les salariés de la coopérative ; les personnes qui bénéficient habituellement à titre gratuit ou onéreux des activités de la coopérative ; et au moins une troisième catégorie parmi celles-ci : toute personne physique souhaitant participer bénévolement à son activité, des collectivités publiques et leurs groupements, toute personne physique ou morale qui contribue par tout autre moyen à l'activité de la coopérative).
  • Respecte les règles coopératives, à savoir 1 personne = 1 voix.

A noter : l'agrément préfectoral pour l'octroi du statut, initialement contenu dans la loi, a été supprimé en 2012.

Pour en savoir plus sur le cadre réglementaire :


Financements et santé financière

Le taux de pérennité à trois ans des SCIC atteint 77%, contre 65% pour l'ensemble des entreprises françaises. Un taux qui passe à 63% après cinq ans d’existence, contre 50% pour les entreprises classiques. 

La part détenue par une collectivité dans une SCIC, initialement limitée à 20% du capital, peut monter jusqu'à 50% suite à l'article 33 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

Les collectivités territoriales peuvent accorder des subventions aux SCIC en vue de participer à leur développement.

Le 15 décembre 2015, la Caisse des Dépôts a élargi sa doctrine d'investissement en faveur des SCIC. Via ses directions régionales, l'établissement public peut désormais prendre des parts dans des projets, outre les crédits d'études et d'ingénierie qu'il peut accorder.

Pour financer leurs projets, les SCIC ont parfois recours au soutien des internautes via le financement participatif. La Confédération Générale des Scop a lancé une plateforme de référencement des projets coopératifs à financement participatif : www.jefinanceunprojetcooperatif.fr et réalisé en mars 2016 un court film d'animation "Je finance un projet coopératif" (1'18).


Intérêt des SCIC

Pour les citoyens, la SCIC peut répondre à certaines de leurs aspirations : vis à vis de la recherche de nouveaux modèles de développement, plus durables, plus inscrits dans les territoires ; vis-à-vis de leur capacité à agir sur des questions sociétales (énergie, mobilité, urbanisme...)...

Pour une collectivité, la SCIC permet de répondre à un besoin collectif identifié sur un territoire, puisque l’un de ses objets est de produire des biens ou des services présentant un intérêt collectif et un caractère d’utilité sociale et répondant à un besoin du territoire, que celui-ci soit exprimé par des habitants, des acteurs associatifs, des entreprises, des producteurs… ou par la collectivité elle-même.

Pour un secteur ou un territoire, la SCIC permet l'hybridation des ressources en associant l'ensemble des parties prenantes (bénéficiaires, salariés, collectivités, financeurs…), puisque ses ressources proviennent autant de son capital social, de ses activités que de la participation bénévole possible de ses membres.

La SCIC comme lieu de la coopération !

La SCIC est le seul statut qui permet de faire converger les intérêts privés vers un intérêt collectif, afin que tout le monde y gagne, les entreprises comme les particuliers, explique un directeur de SCIC. Si on veut que [tel] sujet (...) avance, il faut nécessairement impliquer tous les acteurs. C’est une approche différente, qui demande du temps, du travail et de raisonner sur une rentabilité à long terme.

A lire : La société coopérative d’intérêt collectif : l’entreprise de demain ?, Novethic, 16 mars 2016

L'expérience de plusieurs SCIC agricoles démontre, pour Stéphane Gérard, président de la FNCuma, que la SCIC peut être un "lieu d'échange" particulièrement utile au développement du territoire. Des SCIC ont ainsi permis d'instaurer le dialogue entre de petits bouchers et de moyennes et grandes surfaces, de préserver l'abattage de proximité, donc l'élevage en montagne et, in fine, le tourisme. "C'est la coopération conflictuelle", résume Alix Margado, délégué SCIC à la CG Scop. Si le fonctionnement d'une SCIC paraît complexe, c'est parce qu'il oblige ses membres à discuter d'intérêts contradictoires et à trouver des solutions pour avancer collectivement avec, en toile de fond, l'intérêt commun du territoire. 

A lire : Coopératives : la participation des collectivités dans des SCIC progresse, Caroline Megglé, Localtis, 8 février 2016


Focus : SCIC et collectivités

Pour les collectivités (commune, intercommunalité...), la SCIC représente un nouvel outil de développement local et leur permet de participer à la fourniture de services nouveaux ou en péril suite au désengagement de l’État. Plusieurs SCIC ayant vu le jour ces dernières années apportent ainsi des services qui répondent à de véritables besoins, que ce soit dans le médicosocial, la petite enfance, la santé, l'énergie...

Aujourd'hui, plus de 40% des SCIC comptent des collectivités locales dans leur sociétariat. Leur soutien à la création et au développement des SCIC peut être de plusieurs types :

  • Prise de participation au capital
  • Subventionnement
  • Sensibilisation des habitants et acteurs
  • Mobilisation des acteurs
  • Mise à disposition de locaux
  • Achat de biens produits par la SCIC / utilisation de services proposés par la SCIC
  • Construction d’un éco-système favorable à l’émergence de ce type de projet coopératif.

Mais attention à la suspicion de conflit d'intérêt !

Si une collectivité est bien autorisée à contractualiser avec une SCIC dont elle est membre, tant que les règles de mise en concurrence sont respectées, des élus représentant leur collectivité dans la SCIC ont été "accusés d'être à la fois juge et partie", raconte Laurent Nevoux, coordinateur de la SCIC Bois bocage énergie. "Des membres fondateurs ont été obligés de sortir", ajoute-t-il.

Une note du RTES, intitulée Points de repères "Les SCIC et les collectivités" (Céline Parat, RTES, 2015), apporte des réponses à ces trois questions :

  • Quels intérêts pour une collectivité d’accompagner la création de SCIC ?
  • Quelles formes peut prendre le soutien d’une collectivité à une SCIC ?
  • Quelles sont les questions à se poser ?

Quelques exemples de SCIC

Agriculture, alimentation...

Avec l'objectif de favoriser un changement d’échelle de l’agriculture biologique francilienne par l’approvisionnement des cantines d’établissements scolaires, en visant au développement des activités de transformation destinées à rendre les produits biologiques plus adaptés, plus compétitifs et plus nombreux, Coop Bio Ile-de-France regroupe une trentaine d’exploitants agricoles, plusieurs acteurs de la transformation et de la distribution et des établissements publics (départements de l’Essonne et du Val-de-Marne, caisses des écoles...). Le projet a été approvisionne à ce jour une centaine d’établissements scolaires de la région Ile-de France.
A lire : La SCIC "Coop Bio Ile-de-France", soutenue par l’Essonne et le Val-de-Marne, veut rendre le bio plus accessible aux cantines, Martin Besnier, RTES, 11 avril 2016

Issu d'une première activité d’épicerie bio à Lyon portée par une CAE et d'un intérêt pour l'inter-coopération dans l’alimentaire, le Groupement régional alimentaire de proximité (Grap) se présente comme "une coopérative de type “filière intégrée” dans l’alimentaire locale et/ou biologique" ayant pour objet de fédérer toutes les activités du secteur à l’exclusion des activités de production et d'élevage. Le Grap opère sur un périmètre de 150 kilomètres autour de la ville et regroupe une dizaine d'activités économiques (épiceries bios, boulangeries, restaurants, un magasin de producteurs, une structure de paniers bios, un agent commercial en vins naturels, une importatrice de produits méditerranéens). Les membres bénéficient de trois types de services : gestion, comptabilité et administration (contrats de travail, déclarations Urssaf, émission des fiches de paie...) ; mutualisation des services informatiques (centralisation des commandes, bases de données...) ; et un pôle se concentre sur l’accompagnement de l’activité (formations, stratégie, médiation).
A lire : Loin de l’agrobusiness, une coopérative favorise l’alimentation solidaire et l’économie locale, Sophie Chapelle, Bastamag, 5 janvier 2015
A visiter : Grap

Plusieurs SCIC gèrent des abattoirs en France, un choix qui permet aux collectivités, soucieuses de leurs charges financières, d'impliquer dans l'activité et de responsabiliser éleveurs, grossistes et salariés à travers des collèges représentant les différentes parties prenantes.

A lire :

Développement économique, création d'activité, emploi

Interstices Sud Aquitaine est une couveuse d’activités créée en 2002 à l’initiative des acteurs locaux de l’insertion sociale et professionnelle, en partenariat avec les entreprises, une communauté de communes et des porteurs de projet de création d’activités. Son objectif : accompagner les porteurs de projet vers la création d’activités, en sécurisant leur parcours de création. Dans un premier temps, la SCIC a ainsi accompagné le lancement d’activités d’utilité sociale, les porteurs de projet étant salariés dans le cadre de la Convention Nouveaux Services Emplois Jeunes. Depuis 2006 et la parution de la Circulaire d’Application du CAPE (Contrat d’Appui au Projet d’Entreprise), la couveuse s’adresse plus largement à tout porteur de projet, qu’il soit demandeur d’emploi ou salarié à temps partiel, pour toute nature d’activité économique, et propose aux porteurs de projet : un cadre juridique sécurisant permettant de tester leur activité en grandeur réelle, une mise en situation réelle de l’activité économique, un accompagnement personnalisé, un espace de travail, centre de ressources et accès aux équipements bureautiques.
A visiter : Interstices Sud Aquitaine

La Coopérative Territoriale d’Activités et d’Emploi Pau-Pyrénées est née en 2013 et compte parmi ses sociétaires des salariés, des entreprises, des collectivités locales (dont une communauté d’agglomération), des associations. Elle propose aux créateurs d’activités de tester leur projet en situation réelle. Cet accompagnement se fait sur une phase de test de six mois à trois ans pendant laquelle le créateur bénéficie du numéro de SIRET, ainsi que des personnes ressources qui, au quotidien, les accompagnent en gestion, comptabilité, marketing, communication. La coopérative mutualise des outils, des équipements et met en place des formations. Elle facilite également les liens entre créateurs et l’émergence d’actions collectives (partage de savoirs, réponse groupée à des marchés publics, boutique coopérative…). Les personnes accompagnées peuvent à l’issue de la période de test créer leur entreprise ou choisir de rester membre de la SCIC en tant qu’entrepreneur salarié associé.
A visiter : SCIC Pau Pyrénées

Savoirs et savoir-faire locaux

Depuis 1994, Ôkhra a pour objectif de contribuer à la sauvegarde, à la promotion des savoirs et des savoir-faire liés à la production de l’ocre et à la mise en œuvre des matières colorantes dans différents domaines : bâtiment, peinture, papier, art et métiers d’art… D'abord association née à l'initiative d'un couple d’entrepreneurs et d'élus, à laquelle s’est associé le Parc naturel régional du Lubéron, Ôkhra est devenu une SCIC en 2004 et réunit plus de 200 coopérateurs : les fondateurs, les salariés, les intervenants, des clients, des fournisseurs, des bénévoles, de nombreux experts et entreprises de la filière couleur, des institutions de l’économie sociale, mais aussi la région PACA, le PNR du Lubéron, des communes et une communauté de communes. La SCIC Ôkhra a candidaté au deuxième appel à projets PTCE dont elle est ressortie lauréate.
A lire : Matières et couleurs du Lubéron : un PTCE pour conserver le patrimoine d’une Région, Le Labo de l’économie sociale et solidaire, 16 février 2016 
A visiter : Ôkhra

Valorisation des déchets

Relais Lorraine est né de la volonté d'une communauté de communes qui souhaitait réaliser un projet de valorisation de déchets ultimes avec différents acteurs économiques de la collecte de textiles usagés et Relais France, réseau d’entreprises pour l’insertion et premier opérateur de la filière de valorisation textile au niveau national. La collectivité a pris en charge la construction d'un centre de tri de vêtements collectés et le loue à la SCIC, dont elle est actionnaire, aux côtés de Relais France, d’autres structures d’insertion et les salariés. 33 emplois à ce jour dont 29 en contrat d’insertion avec le soutien de l’État et des perspectives de développement pour 2017 (45 salariés en 2017 grâce à un réseau de boutiques de fripes).
A lire : Relais Lorraine : une SCIC pour créer de l'emploi grâce à un centre de tri textile (54), Michel Léon, Mairie-conseils, 7 mars 2016

Énergie

Créée en 2010, la SCIC Combrailles durables associe 235 citoyens et trois communes. Elle gère 12 équipements photovoltaïques sur six communes (équipements scolaires, sportifs ou des mairies). L’ensemble produit l'équivalent de la consommation électrique hors chauffage de 110 foyers, et l'activité de la SCIC contribue à la bonne santé économique du chauffagiste solaire local. Les coopérateurs ne reçoivent actuellement pas de dividendes, qui sont systématiquement réinvestis dans les nouvelles réalisations. La SCIC réalise un chiffre d'affaire annuel de 50 000 euros et agit sans subvention de fonctionnement. Les projets d'investissements bénéficient généralement de subventions, de 5 à 10 000 euros /an de la part de la région Auvergne. En 2016, Combrailles durables espère bien passer à la vitesse supérieure : elle a pour cela recruté un ingénieur à temps plein et six nouveaux projets sont en débat.
A lire : Citoyens et communes ensemble dans une Scic pour les énergies renouvelables (63), Claire Lelong, Mairie-conseils, 25 janvier 2016

Habitat, urbanisme

Savécom propose d’accompagner les propriétaires dans leurs travaux de rénovation thermique des habitations, en leur offrant une prestation globale, du diagnostic initial à la conduite du chantier, en passant par la mise en place des financements. Pour cela, il a fallu rassembler de nombreux acteurs : EDF, la quasi-totalité des communes de la Meuse, les professionnels du bâtiment de la région, les propriétaires, les salariés de la coopérative, les partenaires du développement local… Si les acteurs ont des intérêts parfois divergents, la SCIC a pourtant réussi à faire bouger quelques lignes. Les autorisations de subventions sont maintenant délivrées tous les mois et non plus tous les neuf mois, permettant ainsi aux artisans locaux de travailler toute l’année et de mieux s’organiser. Le versement des aides intervient désormais dès le début des travaux, pour ne pas mettre en souffrance la trésorerie des entreprises. Et la SCIC va prochainement mettre en place un guichet unique pour simplifier les démarches des propriétaires.
A lire : La société coopérative d’intérêt collectif : l’entreprise de demain ?, Novethic, 16 mars 2016

L'Arban, situé sur le plateau de Millevaches en Limousin, compte plus de 130 sociétaires de nature différente (habitants, collectivités, professionnels et investisseurs citoyens) pour travailler sur les questions d'aménagement et d'habitat en milieu rural. A la fois atelier d'urbanisme rural et agence locale d'ingénierie immobilière, l'Arban accompagne les collectivités et les habitants (particuliers, associations...) dans les projets d'aménagement, de construction et de rénovation. L'Arban regroupe les acteurs - et en premier lieu les usagers - de la filière d'aménagement et de construction afin de proposer des actions depuis les études participatives de revitalisation de centre-bourg jusqu'au portage immobilier d'opérations stratégiques et innovantes (écoquartier, habitat participatif, tiers-lieux, etc.). Elle intervient également dans d'autres territoires ruraux, soit pour des études-actions ponctuelles, soit pour l'essaimage de dispositifs innovants déjà éprouvés sur son territoire.
A visiter : L'Arban

Mobilité

Citiz Idf Ouest est un service d’autopartage en grande couronne parisienne pour éviter l’achat d’une deuxième ou troisième voiture au sein du foyer. Aujourd’hui : 15 automobiles en autopartage dans le Val d’Oise, comptant 220 utilisateurs et ayant réussi à convaincre 86 sociétaires d’investir à ses côtés. Principaux alliés : les collectivités locales qui ont décidé de réserver tel emplacement en ville à une voiture en autopartage. Le deal est simple : pour nouer un partenariat, la SCIC leur demande d’entrer au capital et d’être utilisatrice du dispositif. Au total, huit mairies et le syndicat mixte du parc du Vexin l’ont suivi. Les autres collèges de sociétaires sont composés des salariés, des utilisateurs, des soutiens historiques, du réseau national Citiz et de quatre Cigales parisiennes.
A lire : La société coopérative d’intérêt collectif : l’entreprise de demain ?, Novethic, 16 mars 2016

Petite enfance, énergies renouvelables, éco-construction, rénovation thermique des logements, approvisionnement des restaurants collectifs en produits bio et régionaux, services à la personne, filière bois...

Sur tous ces sujets visiter :


Bibliographie indicative

Mots-clés: emploi, mobilité, alimentation, culture, bois, agriculture, économie, enfance, urbanisme, financements, habitat, commerce, services, associations, Collectivités, ingénierie