• Etudes
  • Les publics invisibles socialement : les pauvres en milieu rural

Les publics invisibles socialement : les pauvres en milieu rural

L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale a confié à un bureau d'études une étude exploratoire sur les publics invisibles socialement, c'est-à-dire les groupes de populations en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale, mal couverts par la statistique publique, peu visibles pour les pouvoirs publics, et peu ou mal appréhendés par les politiques sociales. Le rapport final, rendu en mai 2014, livre une enquête, une revue de la littérature et des entretiens avec des personnes ressources, apportant données et analyses sur les mécanismes sociaux à l'oeuvre dans les processus d'exclusion et sur l'impact de la pauvreté sur les conditions de vie de six groupes de population identifiés. Morceaux choisis à propos du groupe n°6 intitulé "Les personnes pauvres en milieu rural (dont jeunes et néo-ruraux)".

Chiffres clés, selon l'Inspection générales des affaires sociales (IGASà)
  • 11 millions d'habitants soit 18% de la population de France métropolitaine résident dans l'espace rural.
  • Une démographie globalement dynamique (hormis sur quelques territoires) – avec un exode urbain qui s'est substitué à l'exode rural – mais l'emploi ne suit pas avec un taux d'emploi qui reste bien plus faible que dans l'espace urbain (57% contre 65%).
  • Une forte proportion de personnes âgées mais un vieillissement moins rapide qu'en milieu urbain
  • Le taux de pauvreté monétaire moyen en 2006 était de 13,7% contre 11,3% en milieu urbain. En outre, dans plus d'un tiers des départements de France métropolitaine, le taux de pauvreté dans la population rurale dépasse 19%.
  • Des équipements et services inégalement accessibles sans voiture et sensiblement déficitaires dans les domaines sociaux et sanitaires

La pauvreté et l'exclusion sociale dans le monde rural reste un sujet d'étude émergeant

Ceci s'explique notamment parce que :

  • Cette pauvreté ne fait guère parler d'elle (à l'opposé des explosions régulières des banlieues)
  • On pense, par reproduction des schémas anciens, identifier aisément les principaux facteurs en se référant aux phénomènes séculaires d'exode rural, de vieillissement des campagnes et aux crises agricoles récentes, etc.
  • Les évolutions technologiques ("travailler par internet chez soi à la campagne") ou idéologiques ("rapprochement avec la nature") tendent à écarter (la pauvreté en milieu rural) au profit d'une vision positive, voire idéalisée, de la ruralité.

Caractéristiques de cette pauvreté

La pauvreté monétaire et plus encore en conditions de vie ne laisse pas apparaître de grandes disparités avec le milieu urbain, même si certains territoires, cumulant les handicaps (crises agricoles et perte d'activités industrielles) peuvent s'apparenter à des territoires de relégation au sein desquels la pauvreté devient systémique. Cependant, certaines catégories de population apparaissent surreprésentées parmi les ménages pauvres : ils sont ainsi pour 56% des propriétaires ou accédants contre 26% en milieu urbain. Les jeunes ainsi que les couples avec enfants sont surreprésentés parmi la population pauvre. La pauvreté rurale se caractérise par des revenus d'activités faibles et concerne des ménages en moyenne plus nombreux. L'IGAS précise également des évolutions sensibles entre 2004 et 2006. Le taux de pauvreté est ainsi en très forte augmentation pour les locataires.

Une vision globalisante à dépasser

L'invisibilité de ces publics pauvres relève principalement d'un sentiment de honte qui, conjugué au délitement des liens sociaux et de solidarité d'une part, et à une accessibilité moindre aux services et équipements d'autre part, conduit à un fort isolement social de personnes. Malgré ces problématiques transversales, la revue de littérature montre la diversité des situations de pauvreté et de précarité que recouvre le monde rural. Il semble désormais important de dépasser cette vision globale pour qualifier davantage et plus précisément un certain nombre de situations. Une approche résolument territoriale pourrait inviter à centrer la recherche sur les territoires de relégation dans le monde rural.

Un besoin de recherches complémentaires

Pour l'IGAS, certaines des difficultés mises au jour au sein du monde rural restent à mieux appréhender :

  • L'impact de la monoparentalité
  • L'ampleur de l'endettement
  • Les phénomènes d'addiction
  • La santé mentale

Des publics pauvres "spécifiques" au monde rural mériteraient également une approche qualitative approfondie :

  • Les personnes âgées isolées, notamment les veuves d'agriculteurs
  • Les néo-ruraux (familles très pauvres)
  • Les jeunes peu qualifiés, isolés culturellement et socialement

Principaux enseignements tirés des auditions

Principaux facteurs d'invisibilité des jeunes :

  • Un manque de connaissance
  • Une difficile définition du public
  • Un manque de volonté politique
  • Des représentations négatives des générations précédentes sur les jeunes

Problématiques à explorer (sur les jeunes) :

  • Mettre à jour les parcours les processus d'insertion
  • Approfondir les thématiques suivantes : l'autonomie, le repli sur soi, l'accès aux services
  • Objectiver le rôle des collectivités locales et des associations
  • Appréhender les différentes réalités spatio-temporelles
  • Améliorer la connsaissance sur l'entourage familial de ces jeunes et leur rôle dans le processus d'exclusion ou d'insertion

Problématiques à explorer (sur les néo-ruraux) :

  • Améliorer la connaissance sur les parcours et trajectoires

A lire pour en savoir plus : Etude sur la pauvreté et l'exclusion sociale de certains publics mal couverts par la statistique publique – ONPES – FORS recherche sociale, Rapport final d'étude, mai 2014 (153 pages)